Je ne pouvais pas finir ma critique de Battlestar Galactica sans un bilan global de la série, je vais donc spoiler toutes saisons confondus pour faire le point sur cette série "culte".
Si vous voulez vous mettre à jour, voilà les précédentes critiques:
Dire que Battlestar Galactica est une série culte est à mon sens sujet à caution (promis, je vais développer)
Dire que Battlestar Galactica est une mauvaise série serait un mensonge, tout comme de dire qu'il faut absolument voir cette série. A l'heure des Netflix, des Amazon prime et de toutes les autres plateformes en développement (Apple, Disney, etc) nous sommes plus que jamais abreuvé de contenus. Il y en a plus chaque année que nous n'aurons jamais le temps d'en voir et ce sans compter les programmes déjà existant. Pour qu'une série soit absolument à voir il faudrait donc à mon sens qu'elle soit au choix : mieux que ce qui se fait aujourd'hui (ce n'est pas le cas, regardez The Expanse) ou une pierre fondatrice de ce que le média est aujourd'hui (ce n'est pas le cas, regardez Babylon V).
Alors d'où vient le statut de série culte de Battlestar Galactica et qu'en est-il vraiment, c'est ce que je vais essayer de voir avec vous.
Tout d'abord, il faut placer quelques éléments de contexte.
La première saison de Battlestar Galactica sort en 2003. Elle débute à un moment charnière du monde des séries. Les années 80/90 ont offert de nombreuses séries cultes notamment grâce à Glen A Larson. On pourra citer en vrac des K-2000, des Mac Gyver, des Magnum, voir même sur la fin des X-files. Des séries formatées de la même façon : des épisodes unitaires avec un fil rouge plus ou moins vague pour lier les saison. Les héros, souvent solitaires, évoluent peu, on peu quasiment prendre n'importe quel épisode en cours de saison sans être perdu.
Fin 90 et début 2000, il me semble qu'un léger désintérêt des séries profite à l'explosion des "animes" et la production de license désormais cultes comme Neon Genesis Evangelion, Cowboy Bebop, FullMetal Alchemist. Des dessins animés qui, dans leur écriture, avaient tout de la série télé mais allaient parfois bien plus loin que ce qu'on pouvait voir en série. (la fin d'Evangelion n'a à mon sens aucun équivalent en série hormis peut-être Le prisonnier)
Avec les années 2000, l'écriture de séries connait un bouleversement. La chaîne HBO commence à tourner des séries de qualité cinéma (les sopranos) et le feuilletonnant (le fait que l'histoire se suive d'un épisode sur l'autre) explose avec des séries comme Lost ou 24 Heures chrono. Pour le grand public, c'est donc l'émergence des séries cultes que nous connaissons aujourd'hui, une qualité d'image irréprochable, un scénario complexe avec des évolutions de caractère se faisant au fil des épisodes. On retrouve, enfin, des acteurs célèbres venant parfois du cinéma (ce qui était inenvisageable quelques années plus tôt la télévision étant vu comme de la sous culture).
Concernant spécifiquement la science fiction, le genre est en peine début 2000. Depuis 1999 et la menace fantôme (qui marqua une vraie fracture générationnelle) le cinéma n'offre pas grand chose d'intéressant en science fiction spatiale (on retiendra surtout Galaxy Quest, Mission to Mars, Pitch Black) et la télé conclut quelques sagas comme : Star trek : deep space nine, Star Trek Voyager et Babylon 5. Space 2063 (pourtant très proche de Battlestar Galactica) n'a pas fonctionné, il ne restait en gros que Stargate (et Farscape mais pas du tout accessible au grand public) pour étancher sa soif de science fiction.
A sa sortie Battlestar Galactica s'inscrit donc dans un renouvellement global du média et profite de deux éléments très fort 1) il n'y a pas de quoi remplir la demande de science fiction 2) le 11 septembre 2001 à changé profondément notre société.
A l'origine, Battlestar Galactica aurait du être relancé en 2001 par Brian Singer mais le chaos des attentats a bouleversé de nombreux projets et le réalisateur a finalement abandonné pour se concentrer sur Dr House. Un drame qui a bien profité à Ronald D Moore qui en fait l'élément fondateur de sa série.
En effet, BattleStar Galactica commence par un attentat, des ennemis de l'intérieur s'en prennent au monde libre en raison de leur religion. Si tout le monde n'a pas fait le rapprochement (je ne l'avais moi même pas fait tant je lisais la série par un autre prisme) il est évident que la série a pu résonner à un niveau inconscient sur le public encore traumatisé par le drame du World Trade Center et par la peur de l'intégrisme musulman.
Qu'est-ce qui définit Battlestar Galactica ?
Je ne pense pas me tromper en disant que les points qui définissent la série sont : une esthétique réaliste, un conflit contre une menace implacable et infiltrée, un conflit religieux, une lutte pour la survie de l’espèce, une série chorale et du féminisme.
En soi, aucun de ces éléments n'est vraiment original même en 2003 et finalement le coup de génie de Battlestar Galactica, c'est peut-être juste d'avoir simplifié Babylon V en le purgeant de ses éléments de space opera pour en faire une oeuvre plus accessible. Car oui, à l'exception de l'esthétique réaliste et peut-être de la lutte pour la survie (bien que ce soit présent sous divers aspect comme avec les Narns) Babylon V, sortie 10 ans plus tôt, contenait TOUS les autres éléments. Par exemple, s'ils n'ont pas le même âge, difficile de ne pas voir en Adama et Roslin une relecture du couple Sheridan et Delenn. L'autre différence c'est bien entendu le fond, puisque Battlestar Galactica nous raconte en 4 saisons que la science nous rend inhumain et que nous ne trouverons le salut que dans la foi. Je ne sais pas comment ça a été ressenti à l'époque, mais avec le recul je trouve que c'est quand même une morale de vieux babos, pire, à l'éclairage des derniers événements on se retrouve même avec une philosophie très Trumpienne (antivax, anti masque, etc) un brin dangereuse (sans parler de certain aspect survivaliste démontrant qu'en cas de crise le respect des droits humains n'a plus grande importance). Alors oui, on me rétorquera que Battlestar Galactica c'est avant tout des personnages ni bon, ni mauvais, c'est pas des bisounours, c'est la vraie vie et c'est réaliste. Et c'est le piège de cette série. Une fiction ne sera jamais qu'une fiction, ce sont des choix d'écritures et ils auront l'air réaliste si on essaye de leur donner l'air réaliste. C'est donc le choix des auteurs de mettre autant en avant les militaires (Babylon V est aussi dirigé par des militaires et ils ne bafouent pas la démocratie dès que ça ne les arrange pas), la religion et ce "bons sens" dont semble pétri la série.Le "réalisme"
L'un des points fort de Battlestar Galactica c'est de s'éloigner des canons de la SF pour prendre une tournure plus "hard SciFi" voir carrément contemporaine. Au final, le Battlestar n'est rien qu'un gros sous-marin qui flotte dans l'espace. je peux tout à fait comprendre que pour certains il soit plus facile de maintenir la suspension d'incrédulité dans un environnement familier. Nous sommes presque tous coutumier des films de guerre donc ces images sont inscrites dans notre inconscient et moins choquantes que des images futuristes. Pour autant, c'est ma suspensions d'incrédulité qui explose lorsqu'on me montre une société qui se promène naturellement dans l'espace mais n'a pas de téléphone portable. Même pas de talkie-walkie, un truc qui existe quand même depuis la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans un univers où les humains ont inventé des robots qui tirent des lasers mais eux n'ont que des pistolets à balles... je n'ai pas noté tous les points qui m'ont gèné mais globalement ça renforçait l'idée que l'univers de Battlestar Galactica n'a pas été assez creusé, tout comme ces colonies dont on entend parler à longueur de prophéties mais qui n'ont aucune réalité. On ne ressent pas les différences culturelles entre les différentes colonies. Cela s'explique probablement parce que l'histoire se centre sur le Battlestar qui contient 99% d'humain de Caprica, c'est un peu comme ces films américains qui nous parle du monde entier mais ne montrent que les états-unis.
Les Cylons, sont évidement un des éléments qui fit le succès de la série.
L'intelligence de Ronald D Moore fut de se débarrasser assez rapidement des robots (qui coûtent cher à produire et sont peu réaliste) pour se concentrer sur les modèles humain. Le service de com a d'ailleurs particulièrement apprécié Tricia Helfer (numéro 6) mise exagérément en avant dans les affichages et sexualisé dans la série d'une façon qu'HBO ne renierait pas. En terme d'écriture deux choses m'intéressait dans les Cylons 1) ils ont un plan 2) ils sont infiltrés.
Le plan laisse entrevoir un action sur le long terme et des mécanismes qu'il sera plaisant de dénouer au fil des épisodes. Malgré que chaque début d'épisode nous matraque que les Cylons ont un plan la fumisterie devient vite évident : les Cylons n'ont pas de plan, ils ont juste vaguement une idée de ce qu'ils veulent accomplir (trouver la Terre, tuer les humains) et encore ils ne sont pas tous d'accords (ce qui n'est pas une mauvaise chose en soit, au contraire), bref ils n'ont rien et c'est un peu rageant.
Concernant l'infiltration, c'est évidement le fait de pouvoir traquer les Cylons en tant que spectateur qui est intéressant. Traquer les erreurs que les traîtres commettent et qui vont les dévoiler. Sauf que là encore, il n'y aura rien de cela puisque les Cylons seront essentiellement des agents dormants. Aucun d'entre eux n'a conscience d'être un Cylon donc ils peuvent tout à fait agir à l'inverse total de leurs intérêts empêchant de théoriser sur qui est un Cylon ou pas. Un procédé qui laisse même à penser que les auteurs n'avaient pas la moindre idée de qui seraient les Cylons et qu'ils ont choisi au fil de l'eau. Pire. Pour les Cylons non infiltrés, le réalisateur a eu le bon goût de choisir des acteurs connus. Inutile de dire que quand Lucy Lawless (Xena la guerrière) et Dean Stockwell (Code Quantum) pointent le bout de leur nez on sait déjà qu'ils sont Cylons. Dans les dents suspens, tu ne servais à rien.
L'exode
Vu que les références religieuses sont excessivement nombreuses dans la série, il y a peu de chance que l'exode des humains ne soient pas une référence à l'exode du peuple juif dans le désert à la recherche de la terre sainte. En soi, c'est plutôt une bonne idée, c'est un mythe fondateur cela raisonne donc dans toutes les consciences. Toutefois, il y avait probablement là encore beaucoup à faire. Même si c'est évoqué à quelques moments je n'ai jamais vraiment ressenti le poids de cette fuite. Une seule fois en quatre saisons ils risquent de faire face à une pénurie de nourriture et ils règlent ça en un épisode avec des algues(et ça n'aura aucune conséquence, les gens sont condamnés à manger des algues jusqu'à la fin de leur jour mais c'est bon, pas de soucis). Jamais la sensation de manque n'est présente. Les tensions entre ethnie sont évacués en un épisode et même la rébellion finale de Gaeta ne fait pas long feu et ne cause que peu de pertes.
Gaius Bastard
J'ai pourtant une théorie concernant Gaius Baltar, qui n'excuse pas que ce soit un modèle toxique mais qui explique le personnage. Pour moi, Baltar n'est ni plus ni moins que Lucifer. Par ses actes il entraîne l'humanité en enfer, et par la repentance il redevient un ange. Les attributs de Baltar vont dans ce sens, c'est un porteur de lumière (scientifique), il est séducteur et corrupteur. Et j'ajouterais un dernier argument, propre à la mythologie de Battlestar, dans la série de 1978, le Conte Baltar (qui a inspiré le personnage de 2003) est flanqué d'un second Cylon portant le nom de...Lucifer.
Et Dieu dans tout ça
Comme on vient de l'aborder, Dieu est très présent dans Battlestar Galactica. D'une part parce qu'on en parle beaucoup, les Terriens vénérant les 12 dieux et les Cylons le Dieu unique. Mais aussi parce qu'il(s) agi(t)ssent. On notera ainsi trois véritables interventions divines dans la série 1) Gaius et son ange Gardien 2) La résurrection de Starbuck 3) l’opéraIl y a certainement d'autres manifestations plus subtiles mais ces trois là attestent véritablement de l'existence d'une force supérieur qu'on ne peut pas comprendre. Les deux premiers miracles justifient également la justesse des comportements des personnages. Si les deux sont fun et séduisants ce sont aussi de gros sociopathes aux actions particulièrement douteuses. Gaius ne pense qu'a ses intérêts et Starbuck ne pense....pas. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de vivre dans un monde ou ces deux personnes sont élu par Dieu.
Mais l'autre problème que cela pose c'est que ces miracles justifient les dérives idéologiques des premières saisons, celle où Roslin est prête à sacrifier n'importe qui car elle est convaincue d'être élue de Dieu et qu'elle sauvera le monde. Comment lui en vouloir puisque la série prouve que Dieu existe et qu'elle participe à l'un des miracles (l’opéra).
Et à quoi servent ces miracles ?
1) Gaius: d'un point de vue scénaristique ça permet de faire réfléchir le spectateur sur ce qui lui arrive
, c'est un Cylon ? il est fou ? Il a un statut particulier ? Au niveau de l'histoire, ça permet à Gaius de devenir un pont entre Humain et Cylon ce qui, couplé avec le miracle de l’opéra, tendrait à montrer que Dieu veut favoriser une union Cylon/Humain (il est d'ailleurs intéressant de noter comment le principe est matérialisé dans la mise en scène avec le vaisseau qui devient mi humain mi cylon dans les derniers épisodes). Dans ce cas le plus judicieux était-il vraiment d'exciter la libido d'un sociopathe ?2) Starbuck : d'un point de vue scénaristique ça permet de sauver le personnage d'une mort inévitable. On profite donc émotionnellement de la mort du personnage puis de son retour et ça permet de faire croire que c'est un Cylon donc de générer du suspens. Au niveau de l'histoire, ça ne sert à rien, ça justifie juste qu'elle connaisse les coordonnées de la Terre, c'est dur pur Deus Ex machina. Dommage qu'elle ne soit pas morte au première épisode, deux épisodes plus tard la série était finie.
3) L’opéra : probablement la plus grosse fumisterie de la série. La vision de l'opéra apparaît dès la première saison et reviendra régulièrement. Elle semble être prophétique et induit donc un véritable mystère, notamment sur la raison qui connecte ces personnages. Pour l'histoire, ça permettra juste qu'un enchaînement risible d'événements amène Hera sur le pont du Galactica pour que Cavil la prenne en otage. Sérieusement ? Quelle genre de divinité sociopathe harcèle 5 personnes pendant des années pour permettre qu'un jour un homme prenne une gosse en otage ?
Conclusion :
Il y aurait surement encore un milliard de choses à dire sur la série, on ne balaye pas en 5 articles de blog plus de 70 h de vidéos, mais je ne compte pas passer un doctorat en battlestargalacticologie et j'estime avoir suffisamment traité le sujet pour livrer une opinion objective. J'allais vous dire quel aurait été mon avis sur Battlestar Galactica si je l'avais vu à l'époque mais la vérité c'est que je le sais. La vérité c'est qu'a l'époque j'ai vu le pilote, j'ai trouvé ça nul et je n'ai pas eu envie de poursuivre. La vérité c'est que je suis un completiste et qu'il m'est arrivé de regarder des saisons entières de séries nulles (oui Roswell, je pense à toi, et à tant d'autres) donc il a vraiment fallut que je déteste Battlestar Galactica pour ne pas poursuivre. En plus, à l'époque je ne pouvais même pas analyser l'aspect sociologique, j'étais très loin d'avoir ne serait-ce que le début des bases. Malgré tout, au vu du contexte de la diffusion, je peux comprendre que des gens soient tombé fan, surtout s'ils ne connaissaient pas Babylon V mais je trouve que cette série à désormais trop de défauts pour qu'on puisse la considérer comme culte.
6 ans avant Battlestar Galactica sortait en salle Starship Trooper, un film injustement sous-estimé qui dénonce la fascisation de la société américaine par le biais du patriotisme et de la lutte pour la survie. Battlestar Galactica ne dénonce pas. Sous l'autorité du bon sens la série illustre que, oui, en cas de crise, la dictature c'est normal. C'est la nature humaine, c'est du bon sens et de toute façon c'est la religion qui va nous sauver. Il y avait des milliards de façon de raconter l'histoire mais c'est l'axe qui a été choisit, un axe qui se comprend au vu de l'époque et du pays mais qui n'a pas a être glorifié aujourd'hui. Battlestar Galactica ne sera qu'une série de plus dans la liste innombrable de celles que j'ai déjà vu. Ni pire, ni meilleure, juste une de plus. Je l'ai déjà dit plusieurs fois mais je le répète, si vous voulez vraiment regarder de la SF, avant d'attaquer Battlestar Galactica regardez donc The Expanse ou Babylon V.
Enfin, si vous souhaitez approfondir l'analyse sociologique de Battlestar Galactica, je vous renvoie sur cet article que j'ai trouvé très intéressant:
https://www.lecinemaestpolitique.fr/battlestar-galactica-une-odyssee-feministe-semee-dembuches-ii/
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