Alors que d'immondes pirates mettent en danger notre sacro-saint petit écran à coup de téléchargements illégaux, un homme, un surhomme que dis-je, se dresse seul pour défendre la ménagère de moins de quarante ans et les CSP+. Ce héros se nomme: El programator.
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jeudi 7 mars 2019

Grace à Dieu

Pour une fois, ce n'est pas par hasard que cet article parait aujourd'hui. Car c'est aujourd'hui jeudi 7 février 2019 que nous allons savoir si Grace à Dieu se termine bien ou pas. Car c'est aujourd'hui que le procès débuté en 2015 pour des faits remontant jusqu'en 1986 sera enfin jugé et qu'on saura si le silence de l'église est considéré comme coupable par la justice ou non. Mais en attendant, parlons cinéma.




Date de sortie 20 février 2019
Durée : 2h 17min
Réalisateur : François Ozon
Casting : Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud
Genre : Drame
Nationalités Français, Belge

Synopsis :

2014, Alexandre apprend que le prêtre qui l'a abusé enfant et de retour dans sa paroisse. Pour ce père de famille qui croit dans le pardon mais aussi la justice, il est impossible de ne pas réagir. S'engage alors un bras de fer usant avec l'église auquel se joindront nombreuses autres victimes soucieuses d'être entendues et que ces horreurs s’arrêtent.

Critique :

Vous avez peut-être remarqué sur le blog que j'ai sorti la critique de Spotlight hier. Il se trouve que sur le fond les deux films ont beaucoup en commun, tout deux traitent d'une histoire vraie et de personnes luttant contre le silence de l'église concernant la pédophilie dans ses rangs. Il est d'ailleurs terrifiant de réaliser que Spotlight dévoilait une affaire s'étant déroulé en 2001 et que le retentissement n'a eu finalement aucun impact puisque 14 ans plus tard en France nous en étions toujours au même point.
De quoi parle Grace à dieu ? De victime d'un prêtre qui se regroupe pour faire arrêter ce prêtre toujours en poste, afin qu'il ne nuise plus aux enfants mais aussi de condamner tous les membres du clergé qui savaient le danger que représentait cet homme et qui n'ont rien fait en 30 ans. Inutile de dire que c'est un sujet lourd et grave mais Ozon a l'intelligence de le traiter sans pathos inutile avec beaucoup de finesse et de respect. Si le film condamne très clairement les responsables de cette affaire, ce n'est pour autant pas un brûlot à charge contre l'église comme on pourrait être tenté de le faire au vu le situation révoltante. On notera d'ailleurs que le film dénonce bien l’hypocrisie de notre société face à la pédophilie et non juste de l'église.
Basé sur une histoire réelle, documenté de centaines de lettres des divers protagonistes Grace à Dieu aurait pu souffrir du même défaut que Spotlight et d'un classicisme regrettable mais le réalisateur a l'intelligence de structurer son film de façon différente. Il rythme ainsi l'affaire par l'apparition des personnages dans une gradation allant du plus stable au moins stable illustrant ainsi la difficulté du combat à mener et l'usure qu'il provoque sur les hommes. Un découpage très riche et lourd de sens qui permet de présenter la diversité des personnalités des victimes et de développer leurs caractères. Ainsi, si Alexandre qui lancera l'affaire est un croyant convaincu et oeuvre pour le bien de l'église dans le but qu'elle reste le refuge qu'elle est censé être, François est quant à lui beaucoup plus va-t'en guerre et résolu à en découvre avec le clergé. Le réalisateur ne cherche pas à angéliser ses protagonistes, il montre des hommes avec leurs fragilités qui essayent de lutter contre un problème qui les dépasse.
Pour incarner ces personnalités fortes, Ozon a su s'entourer d'un superbe casting qui sonne très juste. Je retiens pour ma part surtout Melvil Poupaud (L'autre monde, Le crime est notre affaire, etc), un acteur que je ne connaissais pas vraiment et qui m'a beaucoup touché dans son rôle tout en sobriété. Denis Ménochet (L'empereur de Paris, Assassin's creed, etc) et Swann Arlaud (Petit paysan, un beau voyou, etc) ne déméritent pas non plus d'autant que leurs personnages sont plus torturés et donc offrent une palette d'émotions plus large mais moins subtile. On notera enfin un jolie cameo de Josiane Balasko (Ma vie est un enfer, les bronzés, etc), court mais beau.
Dans les qualités du film je citerais aussi la musique de Evgueni et Sacha Galperine, deux artistes que je ne connaissais pas mais qui livrent une partition de toute beauté, là encore tout en finesse.
Vous l'aurez compris, si je ne peux pas dire que j'ai passé un bon moment devant Grace à Dieu, j'ai tout de même beaucoup apprécié ce film pour ses qualités artistiques d'une part mais surtout pour la force de son sujet. En sortant en salle, ce film poursuit la lutte de ces victimes qui souhaitaient faire entendre leurs voix et faire bouger les choses. On ne peut d'ailleurs que se réjouir que les tentatives d’empêcher la sortie du film se soit avérées des échecs.
Je recommande donc fortement d'aller voir ce film, ce beau portrait de personnages hors norme ayant réussi à se dresser contre notre société pour faire valoir la justice.
Pour finir, il me semblait important de mettre un lien vers le site de l'association dont parle le film et qui s'est battu pour faire reconnaître les victimes et agir contre la pédophilie : La parole libérée.


Conclusion :

Un très beau film, dur mais sobre et surtout utile alors que le silence est toujours de mise dans ces affaires tragiques. La honte doit changer de camp.

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