Alors que d'immondes pirates mettent en danger notre sacro-saint petit écran à coup de téléchargements illégaux, un homme, un surhomme que dis-je, se dresse seul pour défendre la ménagère de moins de quarante ans et les CSP+. Ce héros se nomme: El programator.
(retrouvez la sélection télé chaque midi sur la page facebook)

mercredi 29 février 2012

Sparrow

Peuple de France, je te connais ! Voilà des années que tu rêves en secret de regarder Arte mais que les sirènes de la une te charment de leurs vides promesses (vient gagner des millions, regarde notre merveilleux top 30 des vidéos les plus rediffusé à la télé, apprend à faire la tourte au poulet de ta vie). Et bien aujourd’hui, en ce mercredi 29 février, El Programator à une solution pour toi et cette solution se nomme :



Sparrow, c’est l’un des nombreux films du génialement prolifique réalisateur hongkongais Johnnie To, aussi appelé (par moi uniquement, je vous rassure, mais je ne désespère pas de lancer la mode) l’homme qui réalise deux films minimum par an. Alors, avec un tel débit, on pourrait s’attendre à ce que le brave homme soit l’équivalent chinois de notre bon vieux Max Pécas et pourtant que Neni, nous en sommes à des lieux (à peu prés autant que la distance Saint-Tropez/HongKong) car Johnnie To est un génie. (Ça se voit que je suis fan où j’ai réussi à conserver un peu de crédit pour la suite ?)

Un film en version multilingue



Bref, Sparrow c’est l’histoire de quatre pickpockets qui vont se laisser charmer par la jolie Chung Chun Lei qui compte bien se servir d’eux pour échapper aux griffes d’un parrain local.
Scénaristiquement, il n’y a rien d’extraordinaire, c’est du film noir plutôt classique. C’est souvent le cas chez To, ce n’est pas par des histoires novatrices qu’il s’illustre, non, c’est ailleurs qu’il faut chercher le talent. Dans la mise en scène notamment, qui offre souvent des moments de génie (comme la scène des parapluies dans Sparrow), dans l’écriture également, à la fois sensible et drôle avec ses personnages émouvants et très humains, et dans l’ambiance enfin, toujours prenante et qui nous embarque complètement. Personnellement j’aime aussi beaucoup ses castings et sa direction d’acteur, Sparrow vous permettra notamment de vous familiariser avec plusieurs têtes récurrentes des films de To dont l’excellent Simon Yam.

Simon Yam exportant le Vélib à HongKong

Si Sparrow n’est pas le meilleur film de To, il tient en tout cas un rôle particulier dans sa filmographie. Le cinéma de To est fait de Thriller, souvent noir et toujours musclé, mais ici, l'on a affaire à un film léger, musical, emprunt de nostalgie. Une vraie romance avec tout ce qu'elle nécessite de tendresse et de poésie. Sparrow est à mon sens l’équivalent du beaujolais du maître, un film efficace mais facilement accessible qui vous donnera envie de découvrir les notes plus subtiles de ces cépages majeurs(que quelqu'un m'explique d'où sort cette comparaison foireuses avec le vin!!!) que sont : « PTU », « Election 1et2 », ou « Mad Détective ». Sans parler de tout les autres, incluant ses productions tel que « Filatures » et « Accident »

On résume, Mercredi 29 février à 20h35 sur Arte: Sparrow.
A noter que le film est annoncé en version multilingue. Je ne vous cache pas qu'il vaut mieux le regarder  en VOSTFR car il n'y a rien de pire que les doublages de films asiatiques.

En bonus, une autre version de l'affiche que j'aime beaucoup:


la mode du documenteur

Pour une raison que le cinéphile que je suis a du mal à s’expliquer, j’ai toujours été passionné par les films d’horreur. Bien qu’ils soient le plus souvent d’épouvantables nanards, je ne peux m’empêcher de me ruer en salle à l’annonce de telles sorties. C’est donc tout aussi naïvement que je me suis rendu aujourd’hui à la projection de "Devil Inside". Après un début pourtant prometteur, je dû vite me rendre à l’évidence, ce film ne m’offrirait guère plus qu’une habile contorsionniste mal filmée. Pleurer sur la pauvreté du scénario me laissait tout le temps de réfléchir à une question qui me hantait déjà depuis plusieurs années :

"Le projet Blair Witch" a-t-il tué le cinéma d’horreur ?

Qui n'a pas tremblé devant cet affreux bonnet?

En 1999 sortait dans nos salles "Le projet Blair Witch", un film d’horreur qui allait traumatiser une génération et créer un véritable événement en réutilisant une recette déjà employée dans le milieu de l’horreur près de 20 ans plus tôt par "Canibal Holocaust" : celle du « documenteur » ou plus précisément dans le cas présent du « found footage » (un vague rapport avec le fait qu’au début du film on nous apprend que celui-ci est basé sur des images retrouvées après la mystérieuse disparition de l’équipe qui les a tournées, et que déjà ça, ça fait très très peur).

Tout va bien, tranquille. Je shoot encore 2, 3 plans et je vais boire un verre.
Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi l’on parle, le « documenteur » est une oeuvre de fiction qui utilise les artifices du documentaire pour paraître plus réel. Cela se traduit le plus souvent par une caméra subjective (le spectateur voit par les yeux du cameraman), des interviews (des personnages face caméra qui répondent à des questions ou se confient en mode « confession intime ») et surtout, une caméra qui bouge (avec l’inévitable passage où l’on ne comprend plus ce que l’on voit parce que c’est tellement la panique que le caméraman ne fait plus attention à ce qu’il filme mais conserve sa caméra quand même parce que bon, ça vaut cher une caméra, on va pas la laisser au premier démon venu !).
La vague a tardé à arriver, mais depuis "le projet Blair Witch", dans le simple genre « horreur », on peut totaliser pas moins de 12 films (plus de 80 selon wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Found_footage_(genre) ) usant de ce procédé : Zombie diaries (2006), Paranormal activity (2007), Diary of the dead (2007), REC (2007), Cloverfield (2008), REC 2 (2009), Paranormal activity 2 (2010), Le dernier Exorcisme (2010), The troll hunter (2010), Zombie diaries 2 (2011), Paranormal activity 3 (2011), Devil Inside (2012). Quasiment un film de ce genre par an (pour un genre qui est loin d’être prolifique), mais surtout plus de 2 par an depuis 2006 (vrai début de cette invasion). C’est donc une tendance nette (tout comme celle du zombie, bien qu’elle ne soit pas du même ordre) que l’on peut constater mais comment s’explique-t-elle ?

Le procédé du documenteur tel qu’il est généralement utilisé dans le cinéma d’horreur a de nombreux avantages :
Au coeur de l'action on vous dit!!!
- L’avantage artistique (dans l’intérêt du spectateur) est que ce procédé immerge le spectateur dans le film et lui donne une impression de réel. D’une part, la caméra subjective fait vivre pleinement le film au spectateur, il n’est plus un témoin objectif mais un acteur vivant l’histoire en plein cœur de l’action. D’autre part, il a inconsciemment le sentiment que tout ce qu’il voit est réel. En effet, nous sommes tellement conditionnés à ce type d’images brutes (des images que l’on obtient normalement lorsque l’on confond obturateur et carburateur ou qu’on travaille dans des conditions extrêmes) que nous les identifions immédiatement comme étant du domaine de la réalité (journal télévisuel, reportage, film de vacances, etc.). La pression est donc d’autant plus grande pour le spectateur, il ne regarde plus une fiction, il vit la réalité (on est bien d’accord qu’il s’agit d’une théorie : lorsqu’on regarde "Paranormal Activity", on ne vit rien du tout, on s’ennuie juste ferme). C’est donc un procédé redoutable pour le cinéma d’horreur qui est le manège à sensation du cinéma et a pour but premier de faire vivre de violentes émotions.
- L’avantage financier (dans l’intérêt du producteur) est que ça coûte moins cher de mal filmer dans une forêt sans éclairage, que de bien filmer dans un beau décor avec une jolie lumière. L’une des victoires de "Blair Witch" est d’avoir engrangé pas loin de 250 000 000 de dollars pour un investissement de 35 000 dollars, une culbute qui fait rêver quand on sait à quel point les investissements sont énormes et hasardeux dans l’industrie du cinéma. Du coup, puisque ça marche et que c’est rentable, pourquoi s’en priver ? L’horreur est un genre pauvre du cinéma, on sait que sauf exception ce ne sont pas des films qui seront populaires (comprendre « rentables ») alors si on peut baisser le coût de production au maximum dès le début, pourquoi hésiter ? Bien sûr, je ne me risquerais pas à affirmer que seul l’aspect financier a pu motiver tous ces projets, mais l’on ne m’ôtera pas de l’idée que ça a lourdement pesé dans la balance.

Refuse Paranormal Activity, quitte le coté obscur du cinéma
Mais revenons-en à la question initiale, parce que finalement, avec autant d’avantages tant artistiques que financiers, pourquoi le style documenteur nuirait-il au cinéma d’horreur ? Tout simplement parce que je n’ai donné que des avantages théoriques. Car, si en théorie les artifices du documenteur n’ont que des avantages, il en est très différemment de la pratique. Parlons tout d’abord de l’effet de réel. Nous avons tous des limites de crédibilité qui nous sont propres et qui tiennent de notre bagage culturel. Ainsi un informaticien hurlera au scandale lorsque pour détruire un ordinateur le héros d’un film fracassera le moniteur plutôt que la tour ou le disque dur, alors qu’un médecin que cette approximation n’aura pas gêné s’étouffera en entendant dire que le malade a un lupus alors que c’est à l’évidence une grippe. Bref, cette limite de crédibilité si propre à chacun fait peser une véritable épée de Damoclès sur l’effet de réel car si le scénario n’est pas irréprochable (et c’est rarement le cas, soyez-en certain) le procédé se tire une balle dans le pied de lui-même. Ainsi, si dans un film comme "Rec", le spectateur arrive à peu près à croire que le caméraman, un professionnel endurci pris au piège dans une situation extraordinaire mais aux proportions humaines, continue de filmer tout du long, il ne peut que prendre sur lui dans "Cloverfield", pour accepter le fait qu’un mec qui sait à peine se servir d’une caméra va réussir à filmer tout du long dans une situation apocalyptique, sans jamais s’arrêter même si ça le ralentit alors qu’il est poursuivi par toutes sortes de créatures résolues à le dévorer. Même s’il bénéficie de beaucoup de qualité, "Cloverfield" pèche ainsi par un manque de caractérisation : le personnage n’est pas crédible dans la tache qui lui est confiée, l’effet de réel tombe donc complètement à plat. Le problème est d’ailleurs très récurrent, il est rare que dans un documenteur d’horreur, l’on ne vienne pas à se dire qu’il n’est pas crédible que le personnage continue de filmer. Si ce problème, plutôt contre productif, justifierait à lui seul d’éviter d’utiliser le documenteur à tout va, il en est un autre, encore plus frappant et bien plus gênant : ces films sont invariablement moches. 
Si on paye des gardiens de nuit pour regarder de telles images, c'est qu'il y a une raison...
Sous prétexte de faire vrai, la caméra bouge, l’image est floue, les plans sont laid (spéciale dédicace à l’ignoble mode Night-shot devenue inévitable depuis que l’enfer entier a passé son diplôme d’électricien). Alors oui, c’est un sacré gain pour le budget du film, mais c’est une perte sèche pour le spectateur, le cinéma c’est aussi (et avant tout serais-je tenté de dire) de belles images qui font rêver et là, difficile d'y trouver son compte. Ensuite, il faut reconnaître que de manière générale, ce genre de film bénéficie de scénarios « post-its » (houhou, "Paranormal activity", je parle de toi) où l’on s’ennuie ferme. Il y a bien toujours un petit élément qui laisse supposer que l’univers du film est bien plus riche que ce que le spectateur a pu en comprendre, mais ne soyons pas dupes, ce ne sont que des artifices permettant éventuellement d’essayer de développer une suite si ça cartonne comme prévu. Finalement ces films ne sont souvent plus que de grosses pubs très longues pour une future saga. Enfin, et même si ce n’est pas directement dépendant du documenteur (mais plutôt du budget) il faut ajouter comme dernier défaut une terreur au rabais. Là où un film d’horreur classique nous gratifiera de monstres légendaires, ou d’effets spéciaux spectaculaires. Il faudra ici se contenter de portes qui claquent, de cernes sous les yeux, voir d’un peu de 3D (probablement parce le producteur aura trouvé un cousin qui débute et qui veut bien bosser gratos pour se lancer). Alors, faut-il s’inquiéter de ce constat ?
Parce qu'il faut quand même des points positifs...

Pas forcément plus qu’avant.
Comme je l’ai déjà dit en préambule, le cinéma d’horreur rassemble plus de nanards que de chefs d’œuvres et a toujours eu ses modes (comme le « slashers »  de triste mémoire) plus pourrie les unes que les autres. Toutefois, le documenteur a le vent en poupe comme l’atteste " The river ", la nouvelle série d’ABC créé par Oren Peli ("Paranormal activity") et ne semble pas prêt à disparaître de nos écrans. Faut-il y voir une fatalité ? Pas forcément car les créateurs commencent à réfléchir à ce procédé et à l’adapter de façon plus efficace. Ainsi, si "The river" est loin d’être irréprochable, il faut lui reconnaître une application exemplaire du procédé. On pourra faire le même constat du film "Chronicle" (un film fantastique, pas un film d’horreur) qui transcende le concept jusqu'à un final vraiment bluffant. Il ne faut donc pas forcément voir le mal partout, il y a toujours de bons créatifs pour relancer des procédés usés jusqu'à la corde et sinon, il suffira d’attendre une nouvelle mode ou un vrai film d’horreur à l’ancienne pour chambouler tout ça afin que la caméra ne soit plus la seule à trembler dans la salle.

Jeune, l'abus de film d'horreur raté nuit gravement à la santé.

Revue rapide :
Le projet Blair Witch, '1999) : si l’on excepte le côté novateur, le film n’a d’intérêt pour moi que par la légende qu’il a su créer. Du coup, je lui préfère largement l’un des documenteurs qui a été réalisé pour la télé (je crois que c’est Curse of the Blair Witch)

1 night in Paris (2004): Un pitch intéressant: le traitement des dérives de la notoriété mais qui se termine finalement par un banal cas de possession par un esprit pas malin. Ajoutez à ça des images vraiment trop insoutenable, une actrice motivé mais peu crédible et un scénario inexistant, vous obtiendrez un film à vite oublier... comment ça, ce n'est pas de l'horreur?


Paranormal activity (2007) : le seul intérêt de ce film réside dans les parodies qui en furent faites, dont ma préférée : http://www.youtube.com/watch?v=abQmkRQj2uM

REC (2007) : Film espagnol qui mêle assez efficacement le film de zombie (possédé) et le documenteur. On regrettera toutefois que l’effet de réel ne tienne pas sur la longueur et que la fin soit assez décevante. Le film reste pourtant agréable à regarder ne serait-ce que pour son actrice principale mais également pour le savoir faire espagnol.

Cloverfield (2008) : Une idée brillante que de faire se croiser le film catastrophe et le documenteur. Pourtant l’effet de réel ne tient pas 2 seconde, et c’est tellement mal filmé (dans l’histoire, le caméraman est un grand débutant) que ça donne mal au cœur. Plusieurs bonnes idées (notamment les résidus de films anciens sur la bande qui font d’habiles flash-back) font que ce film reste intéressant à voir.

REC2 (2009) : A mon sens meilleur que le premier, il réutilise presque tout les éléments mais en apporte de nombreux nouveaux (notamment la différence obscurité/lumière qui est juste géniale) qui font tout le sel du film.

Le dernier Exorcisme (2010) : Une idée de départ génial et très critique qui se fourvoie dans un twist convenu et mal ficelé. Dommage car il n’y a vraiment que la scène finale à jeter, le reste est vraiment bon.

Devil Inside (2012) : Un début prometteur, pour un film qui s’avérera finalement ennuyeux et sans intérêt. Le twist final est attendu au possible, l’histoire est basique, les effets spéciaux sans surprise. Un bien beau ratage.

The river (12 épisodes en 2012) : Une excellente utilisation du procédé du documenteur, une mythologie prometteuse, mais des épisodes qui se répètent et n’avancent pas. Si The river commence très bien, la série s’enlise vite. Après une baisse de qualité dès les épisode 2 et 3 la série s'est enlisé dans un rythme assez décevant qui n'a pas convaincu le public. Il n'y a pas eu de saison 2 ce qui est regrettable car il y avait un réel potentiel.

Incantation (2022) : Un mix taiwanais assez improbable entre Blairwitch et Paranormal activity. Rien de nouveau sous le soleil mais un positionnement très original vu que la moitié du film nous raconte comment une mère célibataire se bat pour essayer de conserver la garde de sa fille malade. C'est assez émouvant mais le mélange est un peu étrange d'autant que la partie fantastique est convenu et mal maitrisée.